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3 min 4 mai 2023 Christophe MOREL

Au-delà de juin, la Fed laisse la porte ouverte à une nouvelle hausse

Christophe Morel, Chef économiste chez Groupama Asset Managament, analyse les dernières déclarations de Jerome Powel, Président de la Fed

Christophe Morel
La Fed a remonté son taux directeur de 25 pdb, amenant les Fed Funds dans la fourchette 5.0%-5.25%. La décision a été prise à l’unanimité et le statu quo n’a pas été envisagé. J. Powell a justifié la hausse des taux par des « pressions inflationnistes toujours élevées ». D’une part, le marché du travail reste déséquilibré avec une demande encore très supérieure à l’offre (l’écart s’établit actuellement à 3,8 millions, cf. graphique 1). En mentionnant que « le marché du travail est très très robuste », J. Powell suggère même que le prochain Rapport emploi sera à nouveau positif. D’autre part, l’inflation salariale n’a que légèrement baissé, ce que confirme d’ailleurs notre « tracker » des salaires construit à partir de plusieurs métriques (graphique 2).

Le communiqué de politique monétaire suggère que la Fed envisage une pause en juin. Manifestement, la Fed dispose d’ores-et-déjà des résultats de la prochaine enquête auprès des établissements de crédit qui montrerait un nouveau durcissement des conditions d’octroi de crédit. Indépendamment de la crise bancaire, ce durcissement des conditions bancaires est cohérent avec l’inversion extrême de la pente des taux (graphique 1). Nous pensons que cette détérioration supplémentaire des conditions de financement bancaire conduira le FOMC à réviser en baisse ses prévisions de croissance lors du prochain comité de juin, justifiant alors la pause monétaire.

Au-delà de juin, J. Powell n’envisage pas de baisse des taux directeurs qu’il considère même comme « inappropriée » au regard d’un scénario de lente désinflation. Plus encore, la Fed ouvre la porte à une nouvelle hausse des taux. Ce faisant, la communication de la Fed conforte notre scénario monétaire.

D’abord, nous n’envisageons pas de baisse des taux en dépit d’un scénario de récession au second semestre 2023 qui devrait se traduire par une contraction de l’investissement (graphique 4) et un ralentissement de la consommation via l’effet-richesse lié à la correction sur les prix de l’immobilier (graphique 5).

La Fed a capitalisé sur l’expérience monétaire du début des années 80, et ne prendra pas le risque de relancer les anticipations d’inflation par un assouplissement des conditions monétaires. Elle allongera l’horizon d’autant que le marché du travail restera durablement sous tension et que le cycle d’investissement repartira après une récession assez courte.

Ainsi, nous pensons que cette récession sera « légère » dans le sens où elle ne provoquera pas de détérioration significative sur le marché du travail, ce qui obligera la Fed a relever à nouveau les Fed Funds. La politique monétaire n’est pas encore suffisamment restrictive.

En toute fin de la conférence de presse, J. Powell a fait son « mea culpa » reconnaissant que la Fed a commis des erreurs dans sa supervision bancaire. Cette défaillance dans la gestion des banques nuit à la crédibilité de la Fed qui s’effrite également selon nous, sur le plan de la gestion monétaire (cf. notre analyse sur le sujet). Ce sujet de la crédibilité alimente le « bras de fer » entre les marchés et les banques centrales : les marchés marquent leur préférence pour le  » monde d’avant  » avec des taux bas et des liquidités abondantes ; à l’inverse, la Fed valide progressivement le nouveau régime d’inflation, de surchauffe durable et de poursuite de la normalisation monétaire.

 

graphe 1

graphe 2

graphe 3

graphe 4

graphe 5

Source : Bloomberg – Calculs : Groupama AM