21 août 2017

BCE : L’euro c’est notre monnaie et c’est notre problème

Par Christophe Morel, Chef Economiste

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[Christophe Morel, Chef Economiste]

La publication des minutes du dernier comité de politique monétaire de la BCE (qui s’est tenu mi-juillet) montre que les banquiers centraux européens restent positifs sur les perspectives de croissance. D’abord, ils attendent toujours une croissance robuste et estiment que la reprise de l’investissement est désormais auto-entretenue. Ensuite, ils considèrent que la balance des risques est globalement équilibrée même si elle est à la baisse s’agissant de la conjoncture internationale (en raison notamment des incertitudes sur la politique économique américaine et sur les conséquences du Brexit). En revanche, ils expriment des inquiétudes sur le risque d’une appréciation excessive de l’euro.

 

Au sujet des variations de l’euro et des implications sur la politique monétaire de la BCE, notre analyse est la suivante :

  • Le taux de change effectif de l’euro s’est apprécié d’environ 6% depuis début mai dont 2% depuis la dernière réunion de la BCE mi-juillet. Dès lors, la BCE est forcement plus inquiète aujourd’hui qu’elle ne l’était lors de son dernier comité de politique monétaire.
  • Cette inquiétude est justifiée. Les estimations économétriques suggèrent qu’une appréciation de 10% du taux de change effectif de l’euro coûterait en moyenne 1% de croissance à la Zone euro sur 2 ans (les écarts d’estimation sont larges puisqu’ils se situent entre 0.5% et 2%). Ainsi, l’appréciation de l’euro depuis le printemps est susceptible de coûter environ 0.6% de croissance sur les 2 prochaines années (cf. graphique 1). Une parité EUR-USD à 1.3 doublerait le coût pour la croissance !

 

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  •  La BCE ne « cible » pas la parité EUR-USD. Ce n’est pas son mandat et elle n’en a pas les moyens (sauf à nuire à sa crédibilité). Si l’euro n’est pas un « output » de la politique monétaire, il est en revanche un « input » très important. Dit autrement, toute appréciation sensible de l’euro est compensée d’une manière ou d’une autre par un assouplissement monétaire. En ayant en tête les ordres de grandeur mentionnés précédemment, il est évident que la parité de l’euro est désormais la variable la plus importante pour la politique monétaire de la BCE. Toute appréciation supplémentaire de l’euro conduira forcément la BCE à envisager de reporter le démarrage de son tappering.

 

Ce que l’on peut dire sur le mouvement récent de la parité euro-dollar.  En préambule, il convient d’avoir à l’esprit que dans un environnement où les banques centrales « contrôlent » les courbes des taux, la devise a vocation être davantage une variable d’ajustement (cf. graphique 2 avec le ratio rapportant la volatilité implicite des devises sur celle des taux qui est sur des plus hauts).

 

La hausse de l’euro-dollar est liée à une combinaison de facteurs

  • l’appréciation de l’euro est en lien avec un flux de statistiques macroéconomiques au printemps plus favorable à la zone euro relativement aux États-Unis (cf. graphique 3). Cependant, ce facteur n’explique pas tout sachant que la relation entre l’euro-dollar et les surprises économiques n’est pas stable dans le temps et que l’évolution de la parité ne se retrouve pas à ce stade dans le différentiel de taux d’intérêt réels (cf. graphique 4).

Graphique 1

Graphique 2

  • s’il y a un mouvement d’appréciation de l’euro, il y a aussi un mouvement de dépréciation du dollar qui semble très relié aux incertitudes sur la politique économique américaine comme le suggère le graphique 5 montrant la corrélation entre les variations du dollar et celles des sondages sur la politique économique de D. Trump. Cette appréciation a été fortement alimentée par des positions spéculatives à l’achat qui sont aujourd’hui « très » longues (cf. graphique 6).

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  • Enfin et surtout, la hausse de l’euro – et en miroir la baisse du dollar – est cohérente avec les fondamentaux et le fonctionnement du marché des changes. Le déficit courant américain reste trop important. Il n’est pas totalement justifiée par les fondamentaux économiques (cf. graphique 7 montrant qu’au regard du seul facteur « démographie », l’Allemagne aurait un excédent courant « excessif » tandis que le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis auraient un déficit courant « excessif »).  Aux États-Unis, la consommation est fondamentalement « trop » élevée, donc l’épargne est « trop » insuffisante, ce qui provoque un déséquilibre externe (de la balance courante) « trop » important pouvant se résorber en partie par une baisse du dollar. Et dans un environnement où l’ajustement nominal ne peut pas s’effectuer pleinement par rapport au Yuan, il s’effectue face à l’euro …

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Au final, le mouvement sur l’euro-dollar est peut-être plus « structurel » que « conjoncturel ». Dans ces conditions, la célèbre phrase de J.B. Connaly, Secrétaire d’État au Trésor sous R. Nixon (« Le dollar, c’est notre monnaie mais c’est votre problème ») pourrait être de plus en plus réappropriée par la BCE dans sa rhétorique : « L’euro, c’est notre monnaie et notre problème ».

 

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