14 septembre 2017

Couvrir une partie de l’actif obligataire à l’aube du « tapering » : quel instrument utiliser ?

Par Hamid LOUAHEB, Responsable Gestion ALM France

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[Hamid LOUAHEB]
Avec les perspectives de normalisation monétaire et à moyen terme, une diminution des achats d’actifs par le banquier central est probable : le fameux « tapering », la hausse des taux et la repentification des courbes entamées depuis l’an dernier pourraient se poursuivre voire s’amplifier.

Un tel mouvement aurait un impact significatif sur le matelas de plus-values latentes obligataires que nombre d’acteurs ont accumulé depuis 5 ans, d’où la nécessité de se pencher sur les solutions de couverture. Il s’agit ici de passer en revue l’ensemble des possibilités de couverture et d’en partager le diagnostic quant à leur efficacité.

Les solutions optionnelles, comme les caps2 ou les swaptions3, ont l’inconvénient d’impliquer un décaissement de prime et de devoir atteindre un niveau de marché prédéfini (ou strike) pour amortir celle-ci. Elles ne protègent le portefeuille que si le niveau prédéfini est atteint.

La couverture d’un portefeuille obligataire via futures, qui ne pourra porter que sur la valorisation des actifs et pas sur le rendement, suppose des réajustements et des rolls réguliers, un monitoring qui peut donc être assez fastidieux et un risque accru d’exécution.

 

Les swaps de taux sont des instruments plus liquides qui permettent une couverture contre le risque de dépréciation des valorisations mais également une couverture contre le risque de baisse des revenus.

Concrètement, en échangeant le coupon fixe d’une obligation en portefeuille contre un revenu variable, le swap permet de « variabiliser » un actif obligataire à taux fixe, c’est-à-dire de le transformer en actif à taux variable avec une  correspondance complète des flux : on parle alors d’ « asset swaps« .

Dans l’implémentation de swaps, le choix de la référence variable se fera, en partant des caractéristiques de l’actif à couvrir, sur des critères d’efficacité et de coût :

  • Sur l’efficacité de la couverture, il s’agira du niveau d’immunisation à la hausse des taux, en valorisation et en rendement.
  • Sur le coût implicite, il s’agira du niveau de la perte de revenu avant que les taux remontent.

Si la pente de la courbe est positive, les niveaux de taux anticipés sont supérieurs aux niveaux actuels : pour un taux fixe payé correspondant au niveau courant de marché, la marge sur les flux variables reçus sera donc négative telle que la somme actualisée des flux futurs correspondant à la valorisation du swap soit nulle. Jusqu’à un certain niveau de hausse des taux, le flux variable perçu sera donc inférieur au flux fixe payé, cela du fait de la marge et de taux courants inférieurs aux taux futurs anticipés.

 

Les références variables « swappables » que sont les taux EONIA, Euribor, CMS4 et l’inflation, diffèrent de par leur efficacité et leur coût. Alors que la sensibilité (négative) d’un swap payeur de taux fixe et receveur de taux Euribor à 3 ou 6 mois (référence du marché interbancaire au-delà d’un an) ou EONIA (référence plutôt monétaire, en deçà d’un an) se limite et porte sur la partie de la courbe correspondante à sa maturité, celles des swaps CMS portent des points de courbe plus lointains.

Par exemple, dans le cas d’un swap CMS 10 ans de maturité 10 ans, le receveur est exposé à l’évolution de la courbe des taux jusqu’au point d’échéance. Ceci signifie qu’à la veille de la dixième année, l’instrument reste exposé au taux 10 ans et qu’en conséquence la valeur du CMS à la mise en place sera fonction des taux anticipés (courbe forward) à 10 ans : la sensibilité à la mise en place porte donc jusqu’à 20 ans. Les marges sur les swaps Euribor ou Eonia seront, elles, fonction des niveaux anticipés de taux courts (taux 6 mois pour l’Euribor 6 mois).

Ainsi, les instruments CMS ont une sensibilité beaucoup plus importante à la pente de la courbe avec des niveaux de marge fonction des niveaux de taux longs (10 ans pour le CMS 10). Même si les niveaux de marge sont actuellement proches, de l’ordre de 110 bps, le niveau de volatilité sera beaucoup plus significatif sur des CMS compte tenu de la sensibilité à la pente de la courbe des taux.

Pour les références inflation, la mise en place d’un swap receveur d’inflation (contre taux fixe) revient à cristalliser les niveaux d’inflation anticipés par le marché jusqu’à maturité. Les risques d’une non-matérialisation de ces anticipations et d’une dé-corrélation par rapport au niveau des taux sont à considérer dans le choix de ce type de référence pour des couvertures obligataires. A cela s’ajoute le coût de portage actuel plus conséquent compte tenu des faibles niveaux d’inflation réalisée.

Ainsi, des swaps sur des références à taux courts, EONIA et EURIBOR, conviendront à un objectif de préserver le niveau de plus-values latentes  avec une désensibilisation aux taux. On est ici typiquement dans le cadre de portefeuilles à duration courte ou intermédiaire, à l’instar d’actifs adossés à des engagements Non Vie. Dans le cadre de passifs plus longs et d’un objectif de rendement plus prépondérant, comme de l’assurance-vie ou de la prévoyance, des références CMS permettront de s’exposer aux segments longs des courbes avec un niveau de revenu correspondant aux taux longs mais avec une sur-sensibilité (négative) par rapport à l’actif couvert, notamment au niveau de pente.

 

Tout comme la décision de variabiliser et de couvrir une partie de son actif obligataire, le choix de la référence et des maturités devra se faire sur la base d’une conviction forte sur les anticipations de taux et de pente.

La question est: les hausses anticipées de taux compenseront-elles la perte de portage supportée avant réalisation ?

Les swaps indexés sur les taux courts nous semblent particulièrement adaptés à la couverture des portefeuilles Non Vie. Les swaps indexés sur le CMS auront notre préférence pour les portefeuilles adossés à des actifs plus longs.

Enfin, n’oublions pas que le point d’entrée de mise en place des couvertures est déterminant tant son coût peut être limité lorsque les anticipations de taux et de courbe sont pertinentes. Le recours à un asset manager spécialisé dans la mise de place de ce type d’opérations peut-être un plus.

 

1 : tapering : ce terme désigne la réduction progressive de la politique d’assouplissement monétaire (quantitative easing) menée par la Fed (Banque centrale américaine) depuis fin 2010.

 2 : cap : contrat de gré à gré entre deux contreparties qui permet à son acheteur de se couvrir contre une hausse des taux d’intérêt au-delà d’un niveau prédéterminé (taux plafond ou taux d’exercice, le strike), moyennant le paiement immédiat d’une prime.

 3 : swaption : option donnant le droit à son détenteur, et non l’obligation d’entrer dans un swap, en général un swap de taux d’intérêt.

 4 : CMS : Constant Maturity Swap  ou indice CMS: taux fixe de swap d’une durée donnée (duration).

 

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