Le rôle de couverture de l’obligataire face au risque actions est un facteur supplémentaire à la baisse des taux longs
L'aplatissement de la courbe de Phillips traduit une baisse de la corrélation entre la croissance et l'inflation.
Lors d’un récent discours, R. Clarida le vice-président de la Fed a évoqué toutes les raisons pour lesquelles il fallait envisager un environnement de taux d’intérêt long terme durablement très bas https://www.federalreserve.gov/newsevents/speech/clarida20191112a.htm). En particulier, il a insisté sur le rôle de la covariance entre les actions et les obligations et sa « traduction » économique. Il nous est apparu très structurant de revenir sur son argumentaire comportant des éléments originaux, d’autant plus qu’il s’agit du n°2 de la Fed.
1. Sur les facteurs de baisse des taux longs
Pour mémoire, un taux d’intérêt long comporte deux composantes, à savoir un taux court réel dit « d’équilibre » (ou « neutre ») ainsi qu’une prime de terme. La baisse des taux longs résulte de la contraction de ces deux composantes.
Sachant que le taux court réel d’équilibre est fondamentalement relié à la croissance « potentielle », les facteurs pesant sur cette croissance potentielle sont autant d’arguments à la baisse des taux. Ainsi, le vieillissement démographique et le vieillissement du capital physique (graphique 1) constituent les deux principaux facteurs de ralentissement de la croissance potentielle et ce faisant, de baisse des taux courts réels. Dans le cas américain, notre estimation du Fed Funds réel d’équilibre ne montre aucune perspective de remontée d’ici fin 2021 (graphique 2).
La seconde composante, à savoir la prime de terme, correspond à la prime de risque sur l’obligataire. Elle rémunère toutes les incertitudes liées à sa détention. Cette prime de terme a fortement baissé : sur le segment américain du 10 ans, elle s’est contractée de près de 300pdb depuis les années 90 et se situe même en territoire négatif depuis mi-2011 (graphique 3).
Principalement, trois arguments sont évoqués pour justifier cette forte baisse de la prime de terme :
- la baisse de l’incertitude nominale en lien avec la désinflation et la moindre volatilité de l’inflation. Sur la courbe américaine, cette baisse de la prime de risque d’inflation est évaluée autour de 100pdb.
- Au-delà du rôle indirect qu’ont joué les banques centrales sur la prime d’inflation, s’ajoute un rôle très direct via les achats d’actifs. Ainsi, nos travaux et ceux de la Fed montraient que l’impact cumulé des achats de bons du Trésor a abaissé la prime de terme aux États-Unis d’environ 100pdb auxquels s’ajoute, par arbitrage, l’impact de la politique non conventionnelle des autres banques centrales (BoJ, BCE et BoE).
- Enfin, la prime de risque obligataire a baissé en raison de l’avantage que confère l’actif obligataire comme instrument de couverture face au risque actions.
2. Le rôle de « couverture » de l’actif obligataire dans un portefeuille
Le rôle des produits de taux comme couverture du risque actions peut se visualiser au travers de l’évolution de la corrélation entre la rentabilité obligataire et celle des actions. Cette corrélation a changé de régime : elle était positive dans les années 90 ce qui signifiait que les actions et les obligations évoluaient de concert ; elle est devenue nulle jusqu’au milieu des années 2000, pour s’inscrire en territoire clairement négatif depuis 10 ans (graphique 4). Dit autrement, l’actif obligataire est passé d’un statut « d’actif de diversification » à un statut « d’actif de couverture », et cet intérêt supplémentaire se traduit par une baisse de la rémunération obligataire, singulièrement de la prime de terme, ainsi que par une structure à terme de moins en moins concave. La littérature académique reconnaît d’ailleurs désormais que cette prime de terme peut devenir négative si l’intérêt à détenir l’actif obligataire pour son rôle de couverture face au risque action^s est plus important que l’incertitude liée à l’inflation. Selon certaines études, le rôle de couverture de l’actif obligataire serait significatif puisqu’il aurait contribué à la baisse des rendements obligataires depuis le début des années 80 pour près de 200 pdb (Campbell & al., 2017).
Ce changement dans la corrélation entre les obligations et les actions a une justification fondamentale : elle traduit une évolution dans la corrélation entre l’économie réelle (croissance, output gap, taux de chômage) et la réaction nominale (inflation, salaires). Le passage à une corrélation Actions/Obligations négative illustre le fait que les corrélations Croissance/Inflation et Taux de chômage/Salaires sont devenues elles-mêmes moins négatives voire positives. En d’autres termes, l’aplatissement de la courbe de Phillips (graphiques 5 & 6) qui correspond à des salaires de moins en moins sensibles aux variations du taux de chômage (et à une inflation moins réactive à la croissance) transforme la corrélation positive entre les actions et les obligations, en une corrélation négative.
Au final, l’aplatissement de la courbe de Phillips traduit une baisse de la corrélation entre la croissance et l’inflation. Cette moindre corrélation entre l’économie réelle et les réactions nominales (inflation, salaires) a provoqué un changement de la corrélation entre les actions et les obligations : avant, l’inflation pénalisait la croissance conduisant simultanément à une baisse des actions et des obligations soit une corrélation positive entre les deux actifs ; désormais, la moindre corrélation entre la croissance et l’inflation a conduit à une corrélation négative entre les actions et les obligations. L’actif obligataire a alors acquis un intérêt supplémentaire dans la structuration des portefeuilles financiers avec un rôle de « couverture » face au risque actions. Et cet intérêt additionnel a ensuite participé à la pression haussière sur les cours obligataires, et ce faisant à la baisse des taux longs.
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