11 mars 2025

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Europe de la défense : des efforts d'investissement considérables et des effets favorables sur la croissance

Thuy Van Pham
Thuy Van Pham, Economiste

Depuis la fin de la guerre froide, de nombreux pays européens ont réduit leur budget militaire pour financer des politiques sociales et économiques. Désormais, les tensions géopolitiques accrues, la guerre en Ukraine et la réduction annoncée de l’engagement américain ont mis en exergue la vulnérabilité de l’Europe en matière de sécurité et la nécessité de mettre fin aux « dividendes de la paix ».

1/ Pourquoi une augmentation des dépenses de défense est-elle inévitable ?

Malgré l’accélération observée depuis l’invasion russe en Ukraine en 2021, les dépenses militaires de l’Union Européenne (UE) sont insuffisantes. Estimées à 378 milliards de dollars en 2024, elles ne représentent que près d’un tiers de celles des Etats-Unis (cf. graphique 1). En pourcentage du PIB, le budget européen alloué à la défense s’est élevé à 2 %. Il est inférieur à celui des Etats-Unis, évalué à 3,4 % du PIB. Seuls 15 Etats membres consacrent au moins 2 % de leur PIB à la défense, conformément aux engagements vis-à-vis de l’OTAN (cf. graphique 2). ​​​​​​​

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Monde  : dépenses militaires
Europe : dépenses militaires


Les retards de l’Europe concernent quasiment tous les domaines. En termes d’effectifs militaires actifs, les armées européennes sont derrière la Chine, l’Inde, la Russie et les Etats-Unis (cf. graphique 3). En ce qui concerne les dépenses en équipement, si celles-ci ont rapidement augmenté depuis 2020, elles ne permettent pas une significative montée en puissance des capacités de défense dans la région. Ces dernières sont restées en effet extrêmement limitées. Les stocks disponibles d’armes majeurs ont fortement baissé au cours des dernières décennies à travers l’Europe (cf. graphique 4). Surtout,la dépendance en équipement de défense vis-à-vis des Etats-Unis est forte. Au cours de la période 2029-2023, 55 % des importations d’armes européennes provenaient des États-Unis, contre 35 % en 2014-2018 (données SIPRI 2024).​​​​​​​

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Taille des effectifs militaires actifs
Europe : stocks système armement

 

2/ Augmenter les dépenses militaires : combien et comment ?

Dans ce contexte, les besoins d’investissement sont considérables. Si l’ensemble des pays européens membres de l’OTAN veulent respecter la cible éventuellement relevée à 3 % du PIB d’ici 2030, les besoins sont estimés à plus de 300 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par rapport au niveau de 2024 (cf. graphique 6). Selon le rapport Draghi (septembre 2024), ils pourraient atteindre 500 milliards d’euros au cours de la prochaine décennie pour remplacer les stocks envoyés pour aider l'Ukraine. Ce chiffre serait même augmenté si les Etats-Unis venaient à réduire davantage leur engagement militaire dans la région.

Les initiatives annoncées ces derniers jours constituent dès lors un début historique pour répondre aux urgences de souveraineté. Au niveau européen, le plan « ReArm Europe » vise à octroyer plus de flexibilité aux Etats membres pour leur permettre d’augmenter leurs dépenses militaires sans dégrader leur déficit public (650 milliards d’euros sur 4 ans) et autorise la Commission d’emprunter sur les marchés et de prêter aux États membres (150 milliards). Cela fait notamment suite à la décision du futur chancelier allemand, Friedrich Merz, d’accroître les dépenses militaires de 400 milliards d’euros, tout en renforçant les investissements dans les infrastructures à hauteur de 400 à 500 milliards d’euros à l’horizon de 10 ans.

3/ Quels impacts sur la croissance ?

De tels dispositifs auront des implications macroéconomiques notables.Nous faisons l’hypothèse que les plans d’investissement annoncés, s’ils sont bien déployés, permettront aux Etats membres d’augmenter leurs dépenses militaires à 3 % du PIB. Nos estimations suggèrent en conséquence un impact positif d’environ 0,3 % de croissance du PIB supplémentaire par an en zone euro. L’effet multiplicateur est plus marqué en Espagne et en Italie (cf. graphique 6). Dans ces économies, les efforts sont plus conséquents, le ratio dépenses militaires/PIB évoluant encore en dessous de la cible de 2 % alors que celui de l’Allemagne ou la France a déjà atteint la cible de l’OTAN. Par ailleurs, la part des dépenses consacrées au personnel militaire est plus élevée, ce qui suggère des effets favorables plus importants que ceux issus des dépenses consacrées aux équipements ou aux infrastructures (1).

En parallèle, la hausse des dépenses militaires pourrait provoquer des effets inflationnistes, via le choc de demande positif. Une telle perspective reflationniste réduirait alors la pression sur les taux directeurs de la BCE (cf. mail : BCE : la politique monétaire « devient sensiblement moins restrictive »).

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Europe : besoins investissement cumulés défense
Europe : impact croissance

 

(1) Selon la littérature, les effets multiplicateurs directs sont plus élevés pour les dépenses consacrées au personnel militaire (environ 1,2) que pour celles allouées aux équipements, infrastructures et autres (0,9)

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