12 janvier 2023

Finance Durable

Règlementations ESG, des évolutions structurantes

Aurélie de Barochez, Marine Dulon & Malika Khalil-Kourati

Il y a maintenant bientôt deux ans que le règlement européen "Sustainable Finance Disclosure Regulation" (SFDR) est entré en vigueur auprès des acteurs financiers. Quels sont les grands principes à retenir du SFDR ?


[ ÉDITO ]


Les exigences de transparence et de reporting ESG1 imposées par le règlement européen se sont mises en place, au fil des mois, de plus en plus concrètement dans nos activités quotidiennes de gérant d’actifs, et ce à tous les niveaux de l’entreprise : renforcement des processus de gestion ESG, définition de nouveaux indicateurs ESG, alimentation des systèmes d’informations et des outils, production et publication de nouveaux documents produits, juridiques, reporting…

Le tout est à mettre à disposition des clients, souvent soumis eux-mêmes à leurs propres contraintes réglementaires en matière de finance durable. Nos clients distributeurs sont par exemple tenus de prendre en compte les préférences de durabilité de leurs clients dans leur démarche commerciale depuis octobre 2022, à la suite de la modification de la directive MIF 2 – Directive concernant les marchés d’instruments financiers.


Les apports de la réglementation SFDR


1. Créer un écosystème de la finance durable, point commun de toutes ces réglementations


Les obligations règlementaires qui traitent de l’ESG trouvent leur origine dans le plan concernant la finance durable lancé en 2018 par la Commission européenne, dont les objectifs sont au nombre de trois :

  • Orienter les flux de capitaux vers une économie plus durable
  • Introduire l’ESG dans la gestion des risques
  • Favoriser la transparence et le long terme

Ces obligations doivent permettent de créer un écosystème de la finance durable car tous les acteurs sont concernés et interdépendants dans l’atteinte de ces objectifs : banquiers, assureurs, gérants, distributeurs de produits financiers…


2. Définir ce qu’est une activité durable


Un préalable indispensable est de disposer d’une définition commune de ce qu’est une activité durable et de ce qui ne l’est pas.

Deux définitions coexistent aujourd’hui :

  • une définition relativement large, donnée par le règlement SFDR, qui définit un investissement durable comme un investissement dans une activité économique qui contribue à un objectif environnemental (utilisation efficace des ressources naturelle, développement des énergies renouvelables, préservation de la biodiversité et économie circulaire…), ou un investissement dans une activité économique qui contribue à un objectif social (lutte contre les inégalités, favoriser la cohésion sociale, l’intégration sociale et les relations de travail, préservation de communautés économiquement ou socialement défavorisées), pour autant que ces investissements ne causent de préjudice important à aucun de ces objectifs et que les sociétés dans lesquels les investissements sont réalisés appliquent des pratiques de bonne gouvernance.
  • Et une définition plus stricte, donnée par le règlement taxonomie, qui classifie de manière très précise les activités économiques répondant à six objectifs environnementaux fixés par ce même règlement. Ces six objectifs sont les suivants : atténuation et adaptation au changement climatique, utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, transition vers un économie circulaire, prévention et réduction de la pollution et enfin protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes. Or, aujourd’hui, seule la classification des activités répondants aux deux premiers objectifs, concernant les enjeux climatiques uniquement, a été publiée.

Ainsi, des pans entiers de l’économie, qui peuvent répondre à des objectifs sociaux ou environnementaux, ne sont pas clairement identifiés par les réglementations actuelles.

En attendant des précisions des autorités de régulations, les investisseurs doivent eux-mêmes définir ce qu’est une activité durable.

L’AFG travaille actuellement sur une proposition commune de la Place de Paris pour la porter auprès des instances européennes.


3. La double matérialité


La seconde exigence fondamentale de SFDR concerne la double finalité qui doit être poursuivie par la prise en compte des critères ESG dans une politique d’investissement :

  • Identifier et gérer les risques financiers découlant d’évènements ESG extérieurs pouvant avoir un impact sur la valeur d’un investissement. Ces risques sont appelés les risques de durabilité. Il s’agit par exemple des pertes financières d’une entreprise à la suite d’un accident industriel, à des accusations de corruption ou de blanchiment d’argent ou encore de la perte de valeur de certaines activités en raison de leur impact environnemental, comme la production d’électricité à base de charbon.
  • Limiter les potentielles incidences négatives de nos investissements en matière de durabilité, c’est-à-dire comment l’investissement réalisé va permettre de réduire notre impact sur les enjeux environnementaux, sociaux, ou encore en matière de droits de l’homme : inégalités salariales, émissions carbone, pollution…

Cette double finalité est appelée double matérialité.

La réglementation SFDR permet de mettre un terme à un vieux débat, et d’imposer que la prise en compte de critères ESG ne permettent pas seulement de limiter des pertes financières potentielles, mais bien de chercher également à maximiser un impact positif sur l’Environnement, la Société…


4. Classification des produits


La troisième et dernière exigence du règlement SFDR est de demander aux investisseurs la publication d’informations sur le caractère ESG des produits financiers.

C’est là qu’entrent en scène les 3 catégories de produits SFDR.

Plus le degré d’exigence dans la prise en compte de ces critères est fort, plus le fonds va afficher une classification élevée au sens de SFDR : article 9, article 8 et article 6.

Dans la catégorie article 9, qui est la plus exigeante, on retrouve des fonds qui poursuivent un objectif d’investissement durable​ en plus de leur objectif financier. Ces fonds visent un impact environnemental ou social positif pour l’intégralité des investissements réalisés.

Les fonds classés article 8 quant à eux promeuvent des caractéristiques environnementales ou sociales. Ils peuvent aussi contribuer à un investissement durable mais sans obligation de réaliser un objectif d’investissement durable contrairement aux fonds article 9.

Tous les fonds qui ne répondent ni aux exigences de l’article 8 ni à celles de l’article 9 sont classés en article 6.


[1] Environnement, Social et Gouvernance

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